Cartographies et plans anciens de Montpellier

Plan au 1/4000, orienté à l’ouest, joint à l’étude intitulée «Des enceintes successives de la ville de Montpellier et de ses fortifications» par Albert Vigié, et qui a été publiée en 1898 dans le bulletin de la Société languedocienne de géographie.

 Fortifications par Albert Vigié

Ce plan lithographié en couleurs par L. Combes combine plusieurs sources : un plan au trait noir ou rouge au 1/4000 de la ville médiévale annexé aux «Recherches topographiques sur Montpellier au Moyen Age» publiées par L. Guiraud en 1895 (cf. «Plan de Montpellier au Moyen Age» dans la même rubrique), une restitution par A. Vigié du siège de 1622 avec fortifications récentes en jaune et vert, et dispositif d’attaque en rouge, enfin pour situer l’ensemble, des voies et bâtiments en rose issus du plan d’ A. Kruger de 1896 (observable au niveau Ilot de la cartographie fin XIXe s dans l’application Delta, symbolisée par ∆). 

Dans la première moitié du XVIe s, les idées de la Réforme selon Jean Calvin, théologien français exilé en Suisse, ont suivi le cours du Rhône pour venir s’ancrer durablement rive droite, notamment dans le Vivarais et les Cévennes, et en plaine à l’est de la vallée de l’Hérault. A partir de 1560, des conflits armés vont opposer pendant une trentaine d’années les huguenots aux catholiques, jusqu’à ce que le roi de Navarre et chef du parti protestant, devienne le roi de France Henri IV, grâce à une conversion de circonstance. En 1598, son édit de Nantes accorde liberté de culte, égalité politique et maintien des places de sûreté aux protestants. Son fils Louis XIII voudra réaffirmer le pouvoir royal catholique, et il fera assiéger plusieurs villes françaises, dont Montpellier qui avait acquis le statut de place de sûreté lors d’un siège levé en 1577.

A partir de 1621, se préparant à soutenir un nouveau siège, les consuls de Montpellier firent doubler en un temps record la Commune Clôture par un système de fortifications avec bastions adaptés aux progrès de l’artillerie (canons à boulets métalliques à partir du XVe s). Les matériaux de construction étaient récupérés dans les faubourgs déjà bien ruinés, qui finirent par être rasés. Restitués en 1898 sur le plan d’A. Vigié, on peut voir ces ouvrages de défense sur le plan esquissé lors du siège de 1622 par Jean Fabre, ingénieur du roi (cf. cartographie ∆ début XVIIe s, niveau Commune). Son croquis est orienté au sud pour en faciliter la lecture à Louis XIII qui suivait les opérations depuis une tour d’observation élevée contre le mas qu’il occupait (cf. vue ∆ n°50b8.u); ce dernier était la propriété du premier consul d’Aimeric, dont le nom sera déformé en Méric (son domaine est aujourd’hui municipal, après avoir appartenu à la famille du peintre Frédéric Bazille). En remettant ce plan à l’endroit à l’aide de la fonction ∆ de réorientation (cf. onglet Orienter), on identifiera entre autres : la Font Putanelle, fontaine du XVe s (toujours en place de nos jours) due à l’initiative de Jacques Cœur, le pont trinquat effectivement coupé, les tours et remparts entourant l’île de Maguelone que Richelieu a fait démanteler en 1632, comme bien d’autres places fortes.

La ville résista si bien pendant six semaines qu’elle put négocier sa reddition, moyennant la destruction de ses seules fortifications récentes et l’installation à demeure d’une garnison royale, ce qui entraîna la construction de 1624 à 1627 d’une citadelle (où se trouve le lycée Joffre) par Jean de Beins (1577-1651), précurseur de Vauban. Cet ingénieur et géographe du roi, venu avec les renforts du Dauphiné, s’était déjà rendu célèbre en cartographiant cette province. En 1626, il termina sa carte en couleurs du Bas-Languedoc qui ne sera jamais gravée, et que l’on peut observer en grande partie aux niveaux ∆ Pays et Canton. C’est une œuvre d’autant plus remarquable qu’exécutée avec les instruments rudimentaires d’alors; elle se distingue par son étendue en latitude (de La Voulte-sur-Rhône à Perpignan, alors en Espagne), la représentation du relief (massifs, collines, falaises, sites perchés, dunes), les localités clairement nommées et symbolisées, la personnalisation des villes (par ex. citadelle de Montpellier mise en avant, arènes de Nîmes et d’Arles), la diversité des informations (ponts, chemins, source du Lez, etc.). Les lieux y sont plus réduits d’ouest en est que du nord au sud, car la mesure précise du temps, nécessaire aux calculs de longitude, n’était pas encore au point. Au milieu de la mer, une boussole est inscrite dans une rose des vents locaux.

Quelques années après le siège de 1622, Ziarko Polonius a réalisé un plan à grande échelle de Montpellier, avec tracé approximatif des voies. Ce document semi-perspectif fait ressortir la Commune Clôture qui a été conservée avec quelques vieux bastions devant certaines portes. Il montre aussi les stigmates des luttes passées (cathédrale très endommagée, remparts nord échancrés par les boulets), et une citadelle neuve dessinée en détail. Aux niveaux ∆ Ilot et Parcelle, on peut en observer une copie réalisée dans les années 1630 pour un recueil de plans appartenant à Gaston d’Orléans, frère de Louis XIII.

Enfin, de cette époque antérieure à la construction du Canal du Midi et à la création du port de Sète, on trouvera aussi, au niveau Aire de la cartographie ∆ début XVIIe s, un extrait de la carte de la partie méridionale du Languedoc au 1/600 000 environ, gravée aux armes de Louis XIII et publiée (avec la partie septentrionale) en 1631 par la veuve de Jean Le Clerc. Celle-ci achevait ainsi la constitution progressive du «Théâtre géographique du royaume de France», premier atlas de la France commencé en 1594 sous le règne d’Henri IV par Maurice Bouguereau, et repris ensuite par Jean Le Clerc père et fils.

Plusieurs documents d’époque, parmi lesquels «Le journal du siège» de 1622, des mémoires et quelques gravures ont servi le travail des historiens. Albert Vigié (1843-1928) s’y réfère, ainsi qu’aux publications de ses prédécesseurs, pour son étude des fortifications de Montpellier qu’il développe surtout pour les évènements de 1622. Il a été professeur de 1880 à 1914 à la faculté de droit de Montpellier et en a été le premier doyen, après le rétablissement en 1878 de cette vénérable institution (elle avait disparu à la Révolution). A Montpellier, l’enseignement du droit remonte au XIIe s; au Moyen Age, il était localisé sur le versant sud du Puy Arquinel (le Peyrou actuel), comme l’indique le plan de Louise Guiraud, et par conséquent celui d’Albert Vigié. La rue de l’Ecole de droit en garde le souvenir.

 

Origine des documents : Collection particulière pour le plan d’Albert Vigié et Bibliothèque Nationale de France (B.N.F.) pour les cartes et plans du début XVIIe s intégrés à l’application Delta.