Font-Romeu : résistance et avant-garde de l’énergie solaire

Dans les Pyrénées- Orientales, le four solaire d’Odeillo et la centrale solaire thermodynamique Thémis sont des installations pionnières uniques au monde. Mises en place dans les années 1970, elles utilisent des systèmes de miroirs pour concentrer l’énergie du soleil. Une exploitation à grande échelle a été abandonnée quand la France a opté pour le tout-nucléaire, mais ces innovations, employées aujourd’hui pour la recherche scientifique, révèlent une dimension méconnue de cette énergie propre. Et montrent aussi que ce fabuleux projet, avorté par nos gouvernants, était parfaitement viable. Un sujet d’actualité, avec les canicules à répétition et le besoin crucial d’énergies renouvelables qui se fait durement sentir.

Nous sommes sur la petite commune de Font-Romeu-Odeillo-Via, au cœur d’une région nommée Cerdagne. Le site est ce qu’on appelle une « haute plaine » : 1 200 m et pas trop accidentée. Tout est joli, paisible, bucolique. Et d’un coup, le choc. Au détour d’une ­vallée, un décor futuriste nous éblouit, au sens propre comme au sens figuré. À hauteur de nuages, une grande tour surmontée d’une protubérance qui ressemble à une tête de monstre. Au sol, des centaines de larges miroirs montés sur pied. À quelques kilomètres de là, encore plus impressionnant, trônant au centre d’une vallée, un grand mur courbe, constellé d’une multitude de miroirs qui reflètent les montagnes alentour. À la fois moderne et vintage. L’impression d’être dans un décor de science-­fiction des années 1970.

Et de fait, cette impression est justifiée. Car il s’agit d’installations solaires lancées sous de Gaulle, Pompidou et Giscard : la première est la centrale solaire Thémis ; la seconde, le four solaire d’Odeillo (du nom du hameau où il est implanté). Dans un rayon d’une dizaine de kilomètres, un beau condensé de l’épopée française de l’énergie solaire. Pour saisir tout le sel de l’histoire, il faut remontrer le temps. Revenir à une époque où l’on croyait à l’énergie solaire. Car oui, cela a existé.

On y croyait

Nous sommes dans les années 1950. Tout part d’un homme, un certain Félix Trombe. Il est de nos jours inconnu du grand public (décédé en 1985), mais c’était alors un chimiste du CNRS réputé. Au départ, sa spécialité était l’étude des ­métaux. Précisément, son obsession était de les faire fondre. Pour ça, il a eu une idée somme toute très simple (c’est d’ailleurs le cas de beaucoup d’intuitions scientifiques, pour peu qu’on ait le génie de les mettre en application). Une idée bien connue de tous les enfants qui ont joué à enflammer une feuille de papier avec une loupe. L’intelligence de Félix Trombe, ce fut de la réaliser à grande échelle : concentrer les rayons du soleil avec de grands miroirs pour produire de très hautes températures.