Pyrénées-Orientales : fête de la Toussaint 2022, le moment ou jamais d’honorer Saint-Gaudérique, patron des Catalans invoqué en cas de sécheresse et dont les reliques ont été volées aux Audois
La fête de tous les saints est l’occasion de se souvenir du saint patron des Catalans, Gaudérique, dont les reliques ont été volées aux Audois pour bâtir la réputation de l’abbaye de Saint-Martin du Canigou. Un agriculteur invoqué pour attirer la pluie. Le père Francis Waffelaert, chancelier du diocèse de Perpignan-Elne, revient sur son histoire.
Père Francis Waffelaert, quel est le sens exact de la Toussaint ?
C’est une fête instituée à Rome au IVe siècle par un pape qui redoutait les invasions barbares et a fait transporter beaucoup de reliques des catacombes vers le Panthéon. Tous les saints sont honorés depuis cette date, mais surtout ceux qui ne sont pas officiellement reconnus. C’est une fête joyeuse, qui perpétue la mémoire dans l’action.

Vous-même, avez une affection particulière pour certains ?
J’aime bien aller bénir des cimetières dans les villages, surtout les tombes de prêtres enterrés au milieu des fidèles. J’ai remarqué qu’elles sont souvent fleuries, il reste une mémoire de leur présence.
Saint-Gaudérique est présenté comme le saint patron des Catalans, savez-vous pourquoi ?
Il n’était pas catalan mais a vécu au IXe siècle dans un petit village entre Fanjeaux et Belpech dans l’Aude. D’après la tradition, c’était un laïque agriculteur qui a laissé un exemple de vie chrétienne. Sa tombe était vénérée. Et en 1009, le comte Guifred de Conflent, Cerdagne et Razès, a fondé l’abbaye de Saint-Martin du Canigou avec son frère l’abbé Oliba. Afin d’y amener des pèlerins, il a mené une expédition avec quelques moines pour aller dérober une partie du corps de Saint-Gaudérique. Au cours des siècles qui ont suivi, son culte s’est répandu dans toute la vallée de la Têt jusqu’en Cerdagne. Les gens ont pris l’habitude de se tourner vers lui pour invoquer la pluie.
En 1613, il a fallu une expédition armée pour récupérer les reliques à Villefranche où les habitants ont voulu les garder
Quel est son lien avec la météo ?
En période de sécheresse, on organisait une grande procession avec ses reliques depuis Saint-Martin jusqu’à la mer. À chaque village, son passage donnait lieu à de grandes festivités. À tel point qu’il y a eu un épisode au cours duquel les habitants de Villefranche-de-Conflent ont voulu retenir ses reliques. Les consuls de Perpignan ont dû décréter une expédition armée pour aller les récupérer. C’était une année de gros manque d’eau, en 1613.
En 1783, un décret royal prononçant la dissolution de la communauté de Saint-Martin du Canigou a dévolu le revenu de l’abbaye à l’évêque. Les objets du culte ont été transportés à la collégiale Saint-Jean. C’est comme ça qu’il y a aujourd’hui à Perpignan le retable et la chasse contenant les reliques. Beaucoup de paroissiens avaient fait un vœu à Saint-Gaudérique, il y avait des messes, des processions. Le culte s’est aussi propagé dans le Languedoc et en Catalogne. Il est tombé en désuétude au XXe siècle. Une commémoration vient d’être remise à l’ordre du jour le 16 octobre dernier.
Que sait-on aujourd’hui de ses reliques ?
Une autre partie se trouve à la cathédrale de Mirepoix. Quant à la chasse de Perpignan, elle a eu besoin d’une restauration autour de 2007. Nous avons conservé les reliques dans un coffret pendant trois ans et en avons profité pour les faire analyser par un médecin légiste. Il s’agit d’un bon tiers de squelette. Il a été confirmé qu’il s’agissait bien d’un homme. La présence d’un os de hanche a permis d’établir une certitude à cet égard. Il a été qualifié de robuste, mesurant entre 1,60 m et 1,65 m et âgé d’environ 60 ans. Mais il n’a pas été fait de datation au carbone. À ce moment-là a été prélevée une relique assez importante qui a été replacée à Saint-Martin du Canigou à l’occasion du millénaire en 2009. À Barcelone aussi, il existe un patronat Saint-Gaudérique, dans l’église Saint Pau del Camp. On leur a offert une relique en 2013. Ainsi qu’à Kankan en Guinée, avec qui nous sommes jumelés.

Le Roussillon, terre de saints ?
D’autres saints ont laissé leur empreinte dans la culture et la mémoire des Catalans. Exemples les plus notoires avec le père Francis Waffelaert :
- Saint-Armengol ou Ermengol. Assez méconnu, il est pourtant né au XIe siècle à Ayguatébia, d’une famille de vicomtes de Conflent. Il fut évêque à La Seu d’Urgell, grand pacificateur et constructeur, il est très honoré à La Seu.
- Saint-Vincent Ferrier. Il a fondé en 1416 la Confrérie de la Sanch. Il a séjourné deux fois en Roussillon.
- Saint-Antoine-Marie de Claret. C’était un prêtre missionnaire du XIXe siècle, qui fut aumonier de la Reine Isabelle II, et il a fondé les pères claretains, notamment à Prades. Leur premier séminaire a été implanté à Thuir. Il s’est exilé en Roussillon et mourut à l’abbaye de Fontfroide.
- Au XIXe siècle François Palau i Quer, récemment béatifié, a été ermite à Galamus. Il a fondé deux congrégations de soeurs.
- On a aussi deux martyrs, le frère Henri Vergès originaire de Matemale, tué à Alger, et Louis Damien Sobraquès, né à Bouleternère, martyr de la guerre d’Espagne.
- Enfin, il y a une demande de béatification en cours, c’est celle de la Mère Anna-Maria Antigo, religieuse clarisse de Perpignan, qui vécut au XVIIe siècle et dont le corps est toujours conservé. Elle est née à Perpignan et a été exilée par l’occupant français avant le Traité des Pyrénées. Elle a vécu dans l’ancien couvent royal de la Passion, rue Derroja. A son retour, elle a été réformatrice de la vie religieuse. Il y a eu un premier procès instruit en 1911, nous reprenons aujourd’hui la procédure avec des documents historiques. Mais c’est très long.