Sécheresse : surveillance au compte-goutte des stocks d’eau des barrages des Pyrénées-Orientales
C’est bien connu, la meilleure ressource en eau que l’on puisse posséder est celle que l’on ne gaspille pas. À l’heure où la canicule s’impose et que la sécheresse s’installe, les autorités prennent les devants et le préfet a décidé, en lien avec le Comité départemental de la ressource en eau, de limiter certains usages. Si l’agriculture va devoir réduire ses arrosages de 25% par rapport à une saison « normale », 50% sur le secteur du Tech où la situation est la plus tendue, il va aussi y avoir des restrictions plus drastiques sur tout le département. Mais les Pyrénées-Orientales disposent d’une carte maîtresse dans la gestion de l’eau : ses barrages et retenues. Des stocks qu’il faut gérer au mieux, au jour le jour en fonction de la situation et des demandes des usagers. Un travail tout en dentelle assuré par le Comité de barrages réunissant tous les usagers et le Département propriétaire des sites.
La sécheresse frappe le département. Même si les précipitations ont été plus importantes au printemps que l’an passé et ont alimenté les stocks, la gestion des réserves d’eau des barrages et de la retenue de Villeneuve de la Raho ne doit pas moins se faire d’une manière très précise. Si ces ouvrages sont sous l’autorité du conseil départemental, des « comités de barrages » se réunissent très régulièrement pour décider de l’importance des lâchers notamment pour l’irrigation. « Notre objectif, assure le Département, est d’avoir les barrages de Vinça et celui de l’Agly pleins en début de saison, c’est-à-dire en juin. Au printemps on les remplit pour pouvoir déstocker de l’eau en début d’été et subvenir aux besoins de l’aval. En juin, en 15 jours, nous avons déstocké sur Vinça un million de mètres cubes. À ce jour, la situation est toutefois compliquée sur le Tech et se tend aussi sur la Têt. » Au point qu’il sera décidé ce mardi de faire appel ou non aux réserves des Bouillouses pour l’agriculture en amont de Vinça, et pour alimenter aussi le lac dont le niveau descend très vite ces derniers jours.
Vinça, capacité 24 millions de mètres cubes
Sur le barrage de Vinça la vigilance est donc de rigueur, car le débit de la Têt, qui alimente la réserve d’eau, est faible. Actuellement il est lâché 6 mètres cubes par seconde alors qu’il en entre 3. L’objectif étant de lisser le stock d’eau sur l’ensemble de la saison et arriver au 15 octobre sans encombre. Il faut en revanche qu’à cette date le barrage soit vide afin qu’il puisse remplir son rôle d’écrêter les crues.
Pour ce faire, le Département pilote un comité de barrages qui rassemble l’ensemble des partenaires usagers comme la chambre d’agriculture, la fédération de pêche, les syndicats des bassins-versants, la direction départementale des territoires et de la montagne (DDTM), les syndicats de canaux. Collégialement ces usagers décident du débit à relâcher en aval. « Un comité mis en place en 1998 et qui fonctionne très bien, assure encore le Département, il se réunit en période de crise tous les 15 jours. On est toujours dans l’ajustement, et éventuellement, si besoin on peut faire des restrictions de lâchers, mais toujours en accord avec le comité. »
Caramany : capacité 27,5 millions de mètres cubes
L’autre ouvrage, celui sur l’Agly connu aussi sous l’appellation barrage de Caramany, fonctionne, lui sur deux ans. N’étant pas alimenté par les neiges de Cerdagne, son bassin-versant étant bien différent, on utilise pour l’aval que 15 millions de m3 par an car il ne doit jamais être mis à sec. L’idée est d’avoir toujours sous la main un minimum de réserve si les précipitations sont absentes au printemps suivant. Le barrage contient à ce jour, 25 millions de mètres cubes. « Il n’est pas plein, précisent les services idoines, on a commencé à déstocker précocement, mais on sait que l’on aura assez d’eau pour passer la saison jusqu’à l’automne. Même si on reste attentifs et vigilants. »
Enfin pour ce qui se demanderait pourquoi le Tech n’a pas lui aussi son barrage ? Tout est question de géographie et de géologie. Il n’y a pas de site propice pour édifier un ouvrage.
Sécheresse : le Comité ressource demande des mesures de restrictions d’eau plus fortes
Le Comité ressource (ex-comité sécheresse) se réunira en urgence lundi prochain. « La situation est grave, assure Nicolas Garcia le premier vice-président du Département. Le syndicat des nappes que je préside va demander au préfet des mesures de restrictions plus fortes et des contrôles renforcés sur deux secteurs, Aspres Réart -Thuir, Millas- et la bande côtière nord, -Torreilles, Saint-Laurent-de-la Salanque. Cela est nécessaire pour préserver la nappe profonde. Actuellement on pompe sur la nappe superficielle, le quaternaire. Elle s’épuise, et pas question de toucher à la nappe profonde (le pliocène) qui est notre trésor. Ce qui est sûr, c’est qu’aucun secteur n’est à l’abri. » Pour l’élu, le problème est plus dans la gestion commune de l’eau disponible que de la quantité de la ressource.
Retenue de Villeneuve de la Raho : capacité 17,5 millions de mètres cubes
Le lac de Villeneuve-de-la-Raho fait le bonheur des marcheurs et des familles qui plébiscitent la plage. Mais on l’oublie parfois, il s’agit surtout d’une retenue destinée à l’irrigation. La retenue est alimentée par le canal de Perpignan qui détourne l’eau de la Têt. Un réseau d’irrigation sous pression destiné à 1 200 ha de terres agricoles est en place en aval du site. Ces terres consomment environ 4 millions de mètres cubes par an, très peu au regard du potentiel de la retenue. « C’est une retenue qui est sous utilisée, explique Thierry Voisin le conseiller départemental chargé de l’agriculture. C’est pourquoi un programme d’aménagement foncier est à l’étude en aval du lac. Nous avons examiné le périmètre sur le secteur allant de Latour-Bas-Elne, Argelès, Saint-Cyprien, 300 ha sont concernés. Il s’agit de terres agricoles non exploitées qui bénéficient pourtant de l’arrosage. Nous demandons aux propriétaires de les mettre à disposition d’agriculteurs. L’objectif est d’y créer des îlots d’exploitations, installer des jeunes, lutter contre les friches, bref amener l’agriculture au plus près de l’eau en réserve. L’Etat pourra même contraindre les propriétaires, avec des mises en demeure si les choses n’avancent pas. »